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samedi 6 septembre 2014

Oiseau-tempête n°11 (été 2004)

2004-Bresil

  

Maíra. – Brésil, la mémoire perturbée – les marques de l’esclavage

Un historien a pu définir l’esclave comme une marchandise qui avait cette particularité de redevenir une personne quand elle enfreignait la loi, « le premier acte humain de l’esclave c’est le crime » disait-il. Le dernier livre publié aux éditions Ab irato, inspiré de textes précédemment publiés dans la revue Maíra, retrace l’histoire de l’esclavage au Brésil et tente de définir l’empreinte de celui-ci sur la société contemporaine.
La traite, commencée au début du XVIe siècle, ne prendra fin qu’en 1850 sous la pression grandissante de l’Angleterre et de sa marine de guerre. L’esclavage lui-même sera aboli en 1888.
Dès l’origine, « si les marchands européens sont demandeurs de “bois d’ébène”, les fournisseurs, eux, sont presque exclusivement africains ». La première partie du livre retrace les relations complexes entre les sociétés africaines et les marchands européens et brésiliens. Le lecteur y trouvera, par exemple, des considérations sur le rôle de la polygamie (seule l’Angola verra sa population décroître pendant cette période) ou d’intéressantes précisions sur la nature des biens échangés, « il en faut des menottes, pour attacher, le soir venu au bivouac, après une exténuante journée de marche, chaque esclave ». Après un tour d’horizon des différentes interprétations historiennes de l’esclavage (quand les mandarins réécrivent l’histoire des maîtres), les auteurs retracent l’histoire du plus célèbre quilombo, celui des Palmares.
Les deux derniers chapitres analysent les transformations de la société qui ont rendu nécessaire l’abolition puis l’immigration d’une main-d’œuvre salariée européenne. Sans dénier son importance au mouvement abolitionniste, d’une nature bien différente de celui des États-Unis, ils montrent que la lutte menée par les esclaves eux-mêmes est la première cause de cette abolition. L’usage du fouet est interdit en 1887, « dès lors, le système, fondé d’abord sur la terreur physique, s’écroule ». La lei Aurea de 1888 ne fait qu’entériner un fait accompli, à savoir qu’il n’y a pratiquement plus de captifs au Brésil. Cette combativité séculaire a incité les propriétaires terriens et les patrons de l’industrie naissante à recourir à une main-d’œuvre, un temps plus docile, venue d’Italie et du Japon. La masse des affranchis ne s’est pas mécaniquement transformée en salariés, elle a plutôt écrit les premières pages d’une histoire de la pauvreté moderne dont les gosses livrés à eux-mêmes des rues de Rio comme les travestis du bois de Boulogne illustrent la continuité. Le système esclavagiste, pour se maintenir, a besoin d’un pouvoir centralisé, ainsi il n’est pas exagéré de dire qu il a innervé l’État brésilien.

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