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La recherche scientifique en français











que l’enfant peut faire en groupe aujour-
conception se ferait alors autant par
nouvelle. Ce qui a été enseigné n’aura
d’hui, il pourra le faire demain seul. Les
l’ajout que par l’élimination de l’infor-
donc pas été appris.
conséquences pour la pédagogie, tant
mation. « L’art d’oublier y importe
pour l’enseignement que pour l’évalua-
autant que l’art de retenir », dit Olivier
Afin d’apporter plus de précision sur
tion des apprentissages, on le devine aisé-
Reboul
. La construction du savoir est
ce point, mentionnons une expérience
15
ment, sont considérables.
en réalité un processus actif de décons-
révélatrice. Des chercheurs ont demandé
truction-reconstruction au sein d’un
à des enfants de 9 ou 10 ans qui n’avaient
conflit intérieur : l’ancien doit s’effacer
aucune connaissance du système diges-
Apprendre:
ou se remodeler, du moins en partie,
tif, et à des sujets plus âgés ayant reçu un
un passage, une métamorphose
pour intégrer le nouveau. Pour appren-
enseignement scolaire sur la question, de
Apprendre est un phénomène com-
dre, il faut désapprendre et réapprendre !
dessiner le trajet d’une pomme et d’un
plexe qui nécessite la modification de la
jus d’orange une fois avalés. La conclu-
façon de penser. Ce processus formatif
sion de l’étude est étonnante : « En fait,
La construction du savoir
est bien décrit par Piaget, qui était avant
il n’y a pas une grande différence entre
tout un épistémologiste. Une informa-
les conceptions d’enfants n’ayant jamais
est en réalité
tion nouvelle est captée, assimilée, et la
abordé l’appareil digestif et celles des su-
structure mentale s’en accommode en
jets plus âgés l’ayant traité une, deux, trois
un processus actif de
retour. La pensée de l’individu s’adapte
et même quatre fois dans le cadre de l’en-
déconstruction-reconstruction
en créant des systèmes cognitifs de plus
seignement qu’ils ont reçu. Seul “ l’em-
en plus puissants. Le sujet construit des
ballage ”, la présentation changent ; à
au sein d’un conflit intérieur :
« théories » pour donner un sens à ses ex-
part quelques exceptions, les idées de base
périences ; si celles-ci tiennent le coup, il
restent les mêmes
. ». Le concept spon-
16
l’ancien doit s’effacer ou se
y reste fidèle. Mais à mesure que son ex-
tané a donc survécu et tout ce qui a été
périence s’élargit, de nouvelles questions
enseigné a été oublié. Comme dirait
remodeler, du moins en partie,
se posent et sa théorie nécessite une nou-
Freud, c’est le retour du refoulé !
pour intégrer le nouveau.
velle adaptation. Le déséquilibre surgit
de la question : « pourquoi ça ne marche
Les premières étapes du processus d’ap-
Pour  apprendre,
plus ? » Le sujet doit alors construire une
prentissage sont difficiles parce que l’in-
théorie plus performante, un processus
formation nouvelle se juxtapose à l’an-
il faut désapprendre
nommé « équilibration majorante ». La
cienne. Il y a encombrement, tout s’en-
connaissance se développe ainsi à partir
tremêle. L’apprenante ou l’apprenant
et réapprendre !
de l’expérience du sujet
.
flotte entre deux conceptions, il « ne sait
1 3
plus ». Il est déstabilisé, mais par le biais
Plus que d’élargissement, il faudrait
d’une série d’activités et d’apports d’in-
« Apprendre par cœur n’est pas
parler, sur un autre plan, de métamor-
formation, il élabore une conception plus
savoir… »
phose, comme le propose Giordan : « Les
pertinente après élimination de tout ce
questions, les idées originales, les façons
George Bernard Shaw disait : « Si vous
qui est devenu inutile. Par un travail as-
de raisonner habituelles deviennent autres
enseignez quelque chose à quelqu’un, il
sidu, la nouvelle conception prend forme
quand l’individu a appris. La compréhen-
ne le saura jamais. » En effet, si une nou-
et, avec le temps, mûrit. C’est pourquoi
sion d’un nouveau savoir est le résultat
velle connaissance est transmise par la
l’élève a besoin d’une professeure et d’un
d’une transformation – souvent radicale
professeure ou le professeur comme une
professeure qui le guide, qui l’accompa-
– de la représentation mentale de l’appre-
information, elle ne sera apprise qu’en
gne dans ce travail d’élaboration d’une
nant. Son questionnement est complète-
surface, mémorisée un temps comme
conception nouvelle, dans ce processus
ment reformulé, sa grille de référence lar-
toute information, « apprise par cœur »
d’apprentissage qui est l’acte du sujet qui
gement réélaborée, sa façon de produire
et retenue peut-être jusqu’à l’examen fi-
déconstruit et reconstruit son savoir, en
du sens n’est plus la même. Les mots eux-
nal du cours, et elle s’estompera rapide-
intégrant l’information dont il a besoin.
mêmes peuvent avoir changé de sens
ment par la suite, sans vraiment avoir de
L’école, pour réussir à faire apprendre,
14
prise sur la réalité. Et le savoir « déjà là »
doit revaloriser le travail de l’élève.
Par conséquent, tout se joue dans le
– dont une des caractéristiques est d’être
passage d’une conception à une autre.
bien ancré dans la structure cognitive de
C
ONSEQUENCES
POUR
L
ENSEIGNEMENT
Apprendre consisterait à rejeter une ma-
l’apprenant –, momentanément déplacé
nière de voir pour en élaborer une nou-
par la nouvelle information, reprendra
Le rôle de la professeure ou du profes-
velle, à la suite d’une expérience parti-
rapidement ses droits. L’ancienne repré-
seur est d’aider l’élève à passer d’une con-
culière. La formation de cette nouvelle
sentation n’aura pas été modifiée par la
ception à une autre, de l’amener à un autre





niveau de compréhension. Pour ce faire,
des apparences et des évidences premiè-
8. « Nous ne nous souvenons plus de nos
deux avenues sont notamment possibles.
res, dans un mouvement de dépassement
premières terreurs devant l’écrit, nous qui
Celle de l’enseignement magistral où l’on
vers un savoir formalisé qui a prise sur la
en sommes devenus des professionnels ;
suscite l’apprentissage de l’élève en présen-
réalité. Si la rencontre est réussie, l’ap-
aussi exhortons-nous nos élèves à lire et
tant les connaissances selon un plan préé-
prentissage a lieu et une compétence peut
à écrire comme si c’étaient là des choses
tabli, à la manière d’un tapis que l’on dé-
naître de l’intégration de diverses connais-
qu’ils avaient toujours faites. Nous avons
roule pour indiquer le trajet à suivre et ren-
sances (déclaratives, procédurales, contex-
oublié nos premières craintes devant le
dre le chemin plus facile et plus agréable.
tuelles) et s’exprimer dans un jugement
monde de la rationalité, quand nous quit-
et une action.
tions tout juste l’univers des contes et du
A l’inverse, l’autre avenue – qui tou-
merveilleux et que nous ne pouvions
tefois complète souvent la première ap-
La professeure ou le professeur peut faire
plus, tout à coup, faire appel à la magie
proche – est celle où l’on peut surpren-
travailler les élèves en leur présentant des
pour expliquer ce qui nous arrivait. Nous
dre l’élève dès le départ et mettre ses con-
problèmes ou des cas concrets, des pro-
sommes loin de ce premier contact avec
naissances acquises à l’épreuve en lui
jets ou des productions à entreprendre,
des langues que nous ignorions et qui,
présentant un obstacle cognitif, et ce,
autant d’obstacles à surmonter, qui sont
inévitablement, venaient bousculer no-
afin qu’il mobilise ce qu’il sait déjà et
adaptés à leur âge et aux connaissances
tre système de représentations… En fait,
qu’il en constate les limites. Ainsi, face à
qu’on veut leur faire découvrir. Les activi-
nous ne pensons plus vraiment à ce que
ce défi, l’élève est appelé à modifier son
tés d’apprentissage se feront en groupe,
veut dire “ apprendre ” quand nous ensei-
système conceptuel en produisant de
de préférence. L’évaluation sommative et
gnons ». Philippe Meirieu, « Eduquer : un
nouveaux concepts et en cherchant de
finale peut s’effectuer, par contre, sur une
métier impossible ? ou “ Ethique et péda-
nouvelles informations. Le savoir devient
base individuelle, car ce que l’élève ap-
gogie ” »,
Pédagogie collégiale
, vol. 6, n
1,
o
ainsi une construction personnelle de
prend à faire en coopération avec d’autres,
septembre 1992, p. 38.
l’élève basée sur un engagement actif. Les
il pourra le faire seul à la fin. On peut
9. Lev Vygotski,
Pensée et langage
, Paris, La
chances de développer la compétence de
ainsi évaluer la compétence de chaque
Dispute, 1998. En particulier, tout le cha-
l’élève sont alors meilleures.
élève. Dans les prochaines années, on peut
pitre 6 qui porte sur le développement
penser que ces méthodes connaîtront un
des concepts scientifiques chez l’enfant.
Un enseignement construit autour de
développement considérable dans tout le
10. Gérard Vergnaud,
Lev Vygotski. Pédago-
situations-problèmes procède de cette
réseau collégial québécois.
gue et penseur de notre temps
, Paris, Ha-
manière. Au lieu de présenter à l’élève un
chette, 2000, p. 12.
corpus de connaissances théoriques et de
denisblondin@videotron.ca
11. Denis Bertrand et Hassan Azrour,
Réap-
lui demander d’en faire ensuite des appli-
prendre à apprendre,
Montréal, Guérin,
cations pratiques, celui-ci est dès le dé-
N
OTES
ET
REFERENCES
2000, p. 174.
part confronté à une situation-problème
12. Lev Vygotski,
op. cit.
, p. 495.
qu’il doit analyser, diagnostiquer et résou-
1. Philippe Perrenoud, « Des savoirs aux
13. Viviane de Landsheere,
L’éducation et la
dre, à partir d’une recherche de l’infor-
compétences. Les incidences sur le mé-
formation
, Paris, PUF, 1992, p. 49-50.
mation pertinente et par l’élaboration de
tier d’enseignant et sur le métier d’élève »,
nouveaux concepts. Selon Perrenoud,
dans
Pédagogie collégiale
, vol. 9, n
2, dé-
14. André Giordan,
op. cit.
, p. 16.
o
« Les formations qui prennent le plus au
cembre 1995, p. 7.
15. Olivier Reboul,
op. cit.,
Paris, PUF, p. 37.
sérieux le développement des compéten-
2. Olivier Reboul,
Qu’est-ce qu’apprendre ?
16. A. Giordan et G. de Vecchi,
Les origines
ces renoncent à un curriculum conçu
du savoir : des conceptions des apprenants
Paris, PUF, 1980, p. 105.
comme le déroulement d’un “ texte du
aux concepts scientifiques
, Paris, Delachaux
3 Jacques, Tardif, « La construction des
savoir ”, comme une suite de contenus
et Niestlé, 1987, p. 19, cité par Jacques
connaissances, 1. Les consensus », dans
Tardif,
Pour un enseignement stratégique.
d’enseignement, en faveur d’un cursus
Pédagogie collégiale,
vol. 11, n
2, décem-
o
L’apport de la psychologie cognitive
, Mont-
basé sur l’apprentissage par problèmes
1 7
bre 1997, p.14.
réal, Logiques, 1992, p. 30.
4. André Giordan,
Apprendre !,
Editions
17. Philippe Perrenoud, « La qualité d’une
En suscitant ainsi une interaction en-
Belin,
1998,
chapitre 3.
formation se joue d’abord dans sa con-
tre le savoir déjà acquis et le savoir à ac-
ception »,
Pédagogie collégiale
, vol., 11,
5. Jean-Didier Vincent, extrait d’une en-
quérir et à « conquérir », entre le con-
n
14, mai 1998, p. 18.
trevue dans
Le Devoir
, 28 décembre
o
cept spontané et le concept scientifique,
2001.
la professeure ou le professeur crée les
Denis B
, Ph.D., enseigne
LONDIN
6. André Giordan,
op. cit
., p. 70.
conditions pour une prise en charge du
dans le programme P
de l’Uni-
ERFORMA
savoir d’expérience, pratique et concret
versité de Sherbrooke depuis 1996. Il a
7. Michel Serres,
Le Tiers-Instruit
, Paris,
mais limité, par le savoir scientifique,
aussi été conseiller au développement
Gallimard, 1991, p. 28.
théorique et abstrait mais qui va au-delà
pédagogique à l’Université de Montréal.

























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