Affaire Thévenoud: «Ce sentiment d’impunité est un héritage monarchique
POLITIQUE - Jean Garrigues, professeur d'histoire
contemporaine, explique que le comportement de l'ancien secrétaire
d'Etat pose la question du «recrutement en vase clos des élites
françaises»...
Les accusations de défaut de paiement – d’abord les impôts, puis les loyers et maintenant les PV
– se succèdent à l’encontre de l’ancien secrétaire d’Etat. Ce sentiment
d’impunité est caractéristique de la classe politique française,
explique Jean Garrigues, professeur d’histoire contemporaine*.
L’affaire Thévenoud traduit-elle, selon vous, un sentiment d’impunité des politiques?
Tout à fait, et plus largement, l’impunité des élites françaises. Le
plus surprenant est de voir que cette affaire survient juste après l’affaire Cahuzac. On pensait qu’après ses dénégations, il y aurait une prise de conscience massive. D’autant qu’une loi sur la transparence de la vie politique a été votée. Les scandales servent souvent de thérapie.
Ce sentiment d’impunité est-il davantage présent aujourd’hui?
Les évolutions montrent que l’effort de transparence et de rigueur
progresse. Et les scandales d’hier ne seraient pas possibles
aujourd’hui. Certains ont été bien plus importants. Par exemple, la
centaine de politiques corrompus lors du creusement du canal de Panama en 1892, ou encore le système de copinage Staviski dans les années 30. On peut même parler des fonds occultes du PS organisés par des bureaux d’étude dans les années 80.
Tout cela ne serait plus possible aujourd’hui car les médias et
l’opinion publique sont plus intransigeants. Dans les années 70,
Chaban-Delmas a été pris dans la tourmente d’accusations de non-paiement
des impôts. Ce sentiment d’impunité est caractéristique de la classe
politique française.
Que cela révèle-t-il de notre société?
On a recréé au sein d’un système démocratique une aristocratie du
pouvoir. Cette dernière est le miroir d’une aristocratie de la naissance
qui existait sous l’Ancien Régime. Ce sentiment d’impunité chez l’élite
politique est un héritage monarchique. Mais le plus attristant est de
voir que la nouvelle génération [Thomas Thévenoud a 40 ans] prolonge ce
type de comportement. Cela pose la question du recrutement en vase clos
des élites politiques.
La loi sur la transparence de la vie politique a pourtant apporté des garanties…
On se rend compte que les dispositions législatives ne sont pas
suffisantes. Il faut un changement des mentalités. Les politiques
français doivent apprendre à respecter la règle, à ne pas se considérer
au-dessus des lois et à ne pas croire que l’Etat leur appartient. En ce
sens, nous avons beaucoup de retard par rapport aux Scandinaves, et même
aux Américains.
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