|
Certes, je n’ai
rien appris que je ne sois parti,
|
ni
enseigné autrui sans l’inviter à quitter son nid…
|
Qui
ne bouge n’apprend rien.
|
Michel
Serres,
|
Le
Tiers-Instruit
|
.
|
Cet article
propose quelques réflexions
|
et le savoir,
avec l’ambition de « couvrir »
|
pouvant aider à
fonder nos pratiques
|
toute la matière
du cours. Il s’agit alors
|
d’enseignement
sur une conception ex-
|
de sélectionner
avec soin son contenu,
|
plicite et plus
riche de l’apprentissage,
|
de bien le
structurer et de le présenter
|
qui reste
fondamentalement un phéno-
|
avec clarté et
précision, dans une sé-
|
Denis
Blondin
|
mène complexe
qu’il importe de bien
|
quence qui suit
logiquement le « texte
|
Formateur et
consultant en éducation
|
comprendre pour
mieux enseigner.
|
du savoir »,
comme dans un livre. Cette
|
méthode est tout
à fait efficace dans la
|
Au Québec, le
milieu de l’enseigne-
|
mesure où le but
est de transmettre beau-
|
L
|
A
|
CONCEPTION
|
TRADITIONNELLE
|
ment collégial
est animé d’une dynami-
|
coup
d’information au plus grand nom-
|
’
|
DE
|
L
|
APPRENTISSAGE
|
que fort
intéressante. Les compétences
|
bre possible
d’auditrices et d’auditeurs
|
comme principe
organisateur des pro-
|
Qu’est-ce
qu’apprendre ? Toute profes-
|
dans un minimum
de temps. Mais suf-
|
grammes font
évoluer les conceptions et
|
seure ou tout
professeur a une certaine
|
fit-il d’être
informé pour apprendre ?
|
les pratiques
pédagogiques dans une di-
|
conception du
processus d’apprentissage,
|
rection
favorable à la qualité de la for-
|
du moins
implicitement. Celle-ci trans-
|
Limites de cette
conception
|
mation des
apprenantes et des appre-
|
paraît dans sa
propre façon d’enseigner.
|
nants. Former la
compétence de l’élève,
|
Si le professeur
occupe jusqu’à 80 % du
|
L’information
est, certes, une dimen-
|
voilà bien le
but de l’enseignement.
|
temps de parole
en classe, s’il monopo-
|
sion
fondamentale de l’acte d’apprendre.
|
lise les
opérations intellectuelles, s’il s’en
|
Mais qui peut
garantir que la connais-
|
Nous sortons
d’une période où le cours
|
tient surtout à
l’exposé, au modèle ma-
|
sance ainsi
transmise a réellement été
|
magistral aura
régné en maître, si l’on
|
gistral, c’est
qu’il conçoit tout simple-
|
assimilée dans
la structure cognitive de
|
peut dire ! Il
aura permis un exercice très
|
ment la
connaissance comme un objet
|
l’élève et
qu’elle pourra être transférée
|
raisonnable de
la profession ainsi qu’une
|
et
l’apprentissage comme le résultat
|
dans de nouveaux
apprentissages ou de
|
gestion des
apprentissages à la fois éco-
|
d’une
transmission d’information dans
|
nouvelles
situations ? Les professeures et
|
nomique et pratique.
Il y a quelques
|
le cerveau de
l’élève, considéré comme
|
les professeurs
sont souvent les premiers
|
années encore,
enseigner, sauf exception,
|
un contenant,
une sorte de vase à rem-
|
à se plaindre
que les élèves n’ont rien
|
équivalait
presque automatiquement à
|
plir ou, encore,
comme une page blan-
|
appris dans les
cours précédents ou qu’ils
|
adopter le
modèle magistral et, du coup,
|
che sur laquelle
la connaissance s’inscrit.
|
semblent avoir
tout oublié de la théorie
|
à concevoir
l’apprentissage d’une cer-
|
quand arrive le
moment de la mise en
|
taine manière.
Progressivement, avec le
|
Dans ce
contexte, le contrat de l’élève,
|
pratique.
|
développement
des sciences cognitives
|
comme dit
Perrenoud, est « d’écouter, de
|
allié à la
redécouverte d’auteures et
|
tenter de
comprendre, de faire conscien-
|
Le cerveau peut
enregistrer une infor-
|
d’auteurs
importants comme Piaget et
|
cieusement ses
exercices et de restituer
|
mation, un
élément de connaissance qu’il
|
Vygotski, une
nouvelle conception est
|
ses acquis dans
le cadre de tests de con-
|
ne possédait pas
ou ne pouvait pas trou-
|
apparue,
celle-ci s’imposant de plus en
|
naissance
papier-crayon, le plus souvent
|
ver en lui-même,
nous parlons alors de
|
plus de nos
jours. L’enseignement en
|
individuels et
notés
|
». Le contrat de
la
|
l’étape la plus
passive de l’acte d’appren-
|
1
|
sortira
transformé, avec une efficacité
|
professeure et
du professeur, pour leur
|
dre, celle où
notre cerveau se borne à
|
accrue mais
aussi avec de nouveaux pro-
|
part, est
d’énoncer les connaissances,
|
emmagasiner
l’information d’une source
|
blèmes à
résoudre. Ainsi va la vie !
|
c’est-à-dire de
mettre en contact l’élève
|
extérieure. Et
celle-ci est enregistrée sans
|
o
|
q
|
certitudes, à
aller souvent contre ce qui
|
de référence.
L’acquisition de ce savoir,
|
langage joue un
rôle crucial dans tout ce
|
semble évident,
bref à changer de con-
|
organisé en
système conceptuel abstrait,
|
processus. Pour
Vygotski, la pensée ne
|
ception, ce qui
n’est jamais un processus
|
va s’effectuer à
l’intérieur d’un proces-
|
trouve pas
simplement dans le langage
|
simple, direct
et neutre. Giordan expli-
|
sus de
restructuration cognitive de la
|
une expression ;
elle y trouve sa forme
|
que que « Chaque
modification se solde
|
pensée, sur
lequel il convient d’ajouter
|
et sa réalité.
La pensée « se réalise » dans
|
par une
expérience désagréable, vécue
|
quelques
précisions.
|
le mot
proprement dit
|
. Si je n’ai pas
le
|
12
|
comme une menace
par l’apprenant. Elle
|
mot, ma pensée
qui voulait s’exprimer
|
change le sens
de ses expériences passées
|
retourne au «
royaume des ombres ». Ce
|
Le
processus de restructuration
|
et trouble la
façon dont il interprétait la
|
qui nous amène
au problème de la for-
|
cognitive
|
réalité, voire
le sens qu’il donne à sa
|
mation de la
pensée et à sa dimension
|
vie
|
. » Pour sa
part, Michel Serres ex-
|
Comme le faisait
remarquer Vygotski
|
,
|
sociale.
|
6
|
9
|
prime le
phénomène de l’apprentissage
|
c’est l’absence
de système qui caractérise
|
par le biais de
l’image d’un voyage
|
une pensée non
structurée. C’est le man-
|
La
dimension sociale
|
qu’aucun
apprentissage ne saurait éviter :
|
que de distance
entre l’enfant et son ex-
|
de la
structuration de la pensée
|
périence
immédiate qui caractérise sa
|
Partir exige un
déchirement qui ar-
|
pensée.
L’enseignement formel de con-
|
Est-ce que la
structuration cognitive
|
rache une part
du corps à la part qui
|
cepts
scientifiques transforme graduel-
|
est un processus
individuel, comme le
|
demeure
adhérente à la rive de nais-
|
lement la
structure des concepts spon-
|
croit Piaget, ou
un processus social
|
sance, au
voisinage de la parentèle,
|
tanés de
l’enfant et aide ce dernier à les
|
comme
l’affirment Dewey et surtout
|
à la maison et
au village des usagers,
|
organiser en
système ; ce qui permet à
|
Vygotski ? La
genèse de la pensée est-elle
|
à la culture de
la langue et à la rai-
|
l’enfant de
poursuivre sa progression vers
|
individuelle ou
sociale ? On pense parce
|
deur des
habitudes. Qui ne bouge
|
de plus hauts
niveaux de développement
|
qu’on peut
parler. Non l’inverse ! Et l’en-
|
n’apprend rien…
Aucun apprentis-
|
intellectuel.
Les concepts spontanés sont
|
fant, selon
Vygotski, apprend à parler,
|
sage n’évite le
voyage… Apprendre
|
peu abstraits,
ont une portée immédiate
|
et donc à
penser, en conversant avec les
|
lance l’errance.
Eclater en morceaux
|
et sont
inorganisés, mais leur force est
|
autres et en
relation avec autrui. Il s’agi-
|
pour se lancer
sur un chemin à l’is-
|
d’être bien
ancrés, d’être concrets et de
|
rait donc d’un
processus social avant
|
sue incertaine demande
un tel hé-
|
paraître
évidents, parce qu’ils s’en tien-
|
d’être
individuel. La coopération sociale
|
roïsme que
l’enfance surtout en est
|
nent à
l’apparence des choses. Les con-
|
se réalise au
moyen d’instruments, au
|
capable et qu’il
faut, de plus, le sé-
|
cepts
scientifiques, pour leur part, sont
|
rang desquels
les signes verbaux jouent
|
duire pour l’y
engager. Séduire : con-
|
transmis par le
langage sous une forme
|
un rôle crucial,
en particulier le langage :
|
duire ailleurs.
Bifurquer de la direc-
|
abstraite, ont
une portée générale et for-
|
la pensée
consciente se construit ainsi par
|
tion dite
naturelle… Bifurquer obli-
|
ment des
systèmes, mais ils vont à l’es-
|
l’intériorisation
progressive de ces instru-
|
gatoirement,
cela veut dire s’enga-
|
sence des choses
: leur faiblesse résulte
|
ments de
coopération. La conscience
|
ger sur un
chemin de traverse qui
|
de leur
verbalisme et de leur insuffisante
|
devient au terme
du processus un « con-
|
conduit en un
lieu ignoré. Surtout :
|
saturation en
concret
|
. Le travail
ardu
|
tact social avec
soi-même ». L’enfant peut
|
10
|
ne jamais
prendre la route à l’aise,
|
de
reconstruction des premiers concepts
|
apprendre,
contrairement à l’animal que
|
traverser plutôt
la rivière à la nage.
|
par les seconds,
dans un processus de
|
l’on peut
dresser mais à qui l’on ne peut
|
Partir. Sortir
|
.
|
7
|
continuité et de
rupture, conduit à une
|
rien enseigner
qui résulte en une capa-
|
Il n’est pas
d’apprentissage sans un ef-
|
plus grande
structuration cognitive.
|
cité générale.
|
fort, un
engagement, une prise de ris-
|
que, une
inquiétude, une grande déter-
|
Apprendre
apparaît ainsi comme un
|
Pour Vygotski,
la pensée personnelle
|
mination aussi,
pour entrer dans un
|
« processus de
construction intérieure
|
réfléchie est
similaire à une conversation
|
monde que l’on
ignore. Pensons-nous
|
d’un ensemble
organisé et cohérent de
|
sociale
intériorisée. D’où l’importance de
|
vraiment à ce
que signifie « apprendre »
|
savoirs et
d’habiletés, en constante évo-
|
l’apprentissage
en groupe. Les interactions
|
quand nous
enseignons ? Nous sommes
|
lution, mais
susceptibles d’être utilisés
|
sociales entre
les adultes et les enfants ont
|
parfois oublieux
de notre propre histoire,
|
déjà pour
traiter de l’information, pen-
|
pour but d’aider
ces derniers à maîtriser
|
comme le
rappelle Phillipe Meirieu
|
. Il
|
ser, acquérir
d’autres connaissances, com-
|
le langage, les
coutumes et les instruments
|
8
|
faut donc aider
l’élève à apprendre et l’in-
|
muniquer avec
autrui, résoudre des pro-
|
de la culture.
Les enfants intériorisent ces
|
citer à faire
cet effort de passer d’une
|
blèmes et
innover
|
». Si ce
processus est
|
interactions
sociales, lesquelles détermi-
|
1 1
|
« préconception
» intuitive, partielle, re-
|
partiellement
inconscient, se faisant de
|
nent ensuite le
cours de leur développe-
|
lative et
incomplète du réel, à une « con-
|
façon
automatique, il peut toutefois de-
|
ment cognitif.
En d’autres termes, le dé-
|
ception » qu’on
peut définir comme un
|
venir conscient
pour un meilleur contrôle
|
veloppement
cognitif passe d’un compor-
|
savoir
formalisé, construit et organisé en
|
des opérations
mentales. Instrument
|
tement réglé par
autrui (social) à un
|
système, reconnu
par une communauté
|
essentiel de la
structuration cognitive, le
|
comportement
autoréglé (personnel). Ce
|
o
|
q
|
q
|
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